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thierryholweck5

Unis par la foi en Jésus-Christ

Dernière mise à jour : 12 févr.

Guebwiller 11 février 2024


Représentation d'Abraham dans la Bible de Souvigny (Fin du 12e siècle)


Peut-être avez-vous été surpris, agréablement je l'espère, de voir ce culte mené par les catéchumènes. Vous pouvez imaginer le degré de stress que cela a pu représenter pour Aylinne, Louise et Naomie et tout à l'heure Théo que de se présenter devant vous pour conduire ce culte. Nos catéchumènes ont choisi les chants ainsi que les différents textes que vous avez entendu.


Au-delà de l'exercice de la prise de parole en public qui fait partie des objectifs pédagogiques des nouveaux programmes au collège et au lycée, une telle démarche a bien sûr aussi et avant tout pour but de les impliquer par une participation aussi active que possible. Car notre Église et notre paroisse particulièrement est aussi la leur et elle doit leur être accueillante et essayer de les intéresser.


C'est aussi une manière de les préparer à la cérémonie de la Confirmation. Vous vous souvenez peut-être de la vôtre, où c'était peut-être la toute première fois que vous participiez activement au culte et où vous deviez, devant toute l'assemblée réunie, confesser votre foi de manière personnelle. Mais, encore au-delà de la préparation de cet événement particulier : notez-le : ce sera le 19 mai, dimanche de Pentecôte, c'est une préparation à leur vie de paroissiens, qu'on espère engagés dans la vie de l'Église. Mais, si on va encore un étage au-dessus dans la signification de l’événement, ce qui vient de se passer est directement inspiré par les textes d'aujourd'hui qui font partie des textes essentiels de toute la Bible.


En effet, ils nous parlent de la loi, c'est le récit du Deutéronome : je place devant toi la vie et la mort, choisis la vie afin que tu vives ; de l'incarnation de Dieu en Jésus-Christ : la Parole a été faite chair et enfin du rapport de la loi et de la foi : c'est déjà dans l'évangile de Jean : la loi a été donnée par Moïse, la grâce et la vérité sont venues par Jésus-Christ et enfin l'apôtre Paul nous explique comment la loi et la foi s'articulent, c'est le sujet de l'épître aux Galates.

On a tendance, surtout dans nos milieux protestants, à opposer la loi et la foi, les mérites et la grâce et c'est juste : c'est la grande redécouverte que nous devons aux Réformateurs, Martin Luther au premier chef que de comprendre que la loi n'est pas le chemin du salut, que nous n'avons rien à faire pour mériter notre salut, tout simplement parce que nous sommes de toute façon incapables de faire le bien. Voilà d'ailleurs une affirmation qui peut surprendre au premier abord.


Bien sûr que nous faisons le bien, et de multiples manières. Nous sommes dévoués et attentionnés les uns aux autres et il n'est pas non plus indispensable d'être chrétien pour cela. Ils sont nombreux les hommes et les femmes qui agissent concrètement pour le bien et l'avenir de l'humanité sans avoir besoin d'une référence religieuse et a fortiori chrétienne pour cela.


Et Paul ne dit pas autre chose : il s'adresse à des hommes et des femmes pieux, qui se sont toujours attachés à suivre les préceptes de la loi de Moïse lorsqu'ils sont d'origine juive ou qui ont toujours essayé de suivre les voies de la vertu lorsqu'ils sont d'origine grecque. Il faut bien comprendre que les premiers chrétiens, ceux qui rejoignent les premières communautés ne sont pas des incultes, ignorants de tout ce qui bon ou des barbares assoiffés de sang et vivant dans la débauche. Ce sont des hommes et des femmes en recherche de sens à leur vie, en attente d'une lumière dans les ténèbres de leur existence, en attente de Dieu avant toute chose.


Celles et ceux à qui s'adresse Paul ont été éduqués par la loi, celle de Moïse ou celle d'Homère. Il emploie pour la désigner le beau mot de « pédagogue ». Nous avons vu avec les catéchumènes que dans certaines traductions malheureuses de mon point du vue, on traduit le mot grec « pédagogos » par le français « surveillant ». Et les catéchumènes savent très bien la différence qu'il y a entre un « surveillant » et un « pédagogue », autrement dit un « enseignant », un « professeur ». Le pédagogue est celui qui emmène (gegonen : « gogue ») les enfants (paidea) sur la bonne voie , la torah pour les Juifs, la vertu pour les Grecs. Moïse est le pédagogue des Juifs, Homère celui des Grecs. Et la révolution qu'introduit Paul, c'est justement de ne pas opposer ces pédagogues à celui qui est venu apporter la lumière. Il ne s'agit pour les nouveaux chrétiens ni de renoncer à la loi de Moïse ni à la vertu d'Homère, il s'agit de montrer qu'il y a quelque chose de radicalement nouveau que les deux autres systèmes de pensée avaient pour fonction de préparer, qu'il y a quelque chose de supérieur, de plus élaboré, voire de plus évolué. Car ces deux systèmes, la loi des Juifs et celle des Grecs sont comme des « cours préparatoires » et en tant que tels incapables d'accéder à la perfection.


Si vous me permettez la métaphore, c'est comme si la loi de Moïse et celle d'Homère étaient le brevet des collèges, une étape obligée mais non suffisante pour parvenir à la plénitude, laquelle ne peut venir que de la foi. Celle-ci n'est donc pas opposée à la loi, comme le lycée n'est pas opposé au collège, c'est juste tout autre chose tout en étant semblable. On n'oublie pas au lycée ce qu'on a appris au collège, les règles de grammaire et de multiplications restent évidemment valables, utiles et nécessaires. La loi était pour les Juifs de l'époque ce qui faisait l'intermédiaire entre eux et Dieu. La vertu est le moyen pour les Grecs d’accéder au divin. C'est une fonction de médiateur, le moyen par lequel on est uni, au contact de Dieu.


Et Paul de dire qu'il y a désormais un autre médiateur, un autre intermédiaire, qui nous permet de connaître Dieu et grâce à qui nous pouvons accomplir à la fois la signification de la loi et de la vertu. Et ce médiateur, c'est Jésus-Christ. La véritable révolution qu'introduit Paul, c'est de dire qu'en Christ, il y a plus qu'en Moïse et qu'en Homère. Lorsque nous sommes unis à lui, en esprit par la lecture de sa parole et en chair au moment de notre baptême, nous ne sommes plus ni des Juifs ni des Grecs, ni des esclaves ni des hommes libres, ni des hommes ni des femmes, nous sommes des enfants de Dieu, tous à égale proximité avec Dieu, en communion avec lui par l'intermédiaire de Jésus-Christ.


Attention, Paul ne dit pas que tous les être humains sont dans cette unité universelle. Pour lui, c'est en Christ et en Christ seulement que cette universalité est possible. Souvenons-nous qu'en son temps, on croyait qu'il y avait différentes espèces humaines et qu'elles étaient d'origines diverses. Dire que nous ne sommes plus des hommes ni des femmes, ni esclaves ni libres, ni Juifs ni Grecs dit bien ce qu'il en est des rapports entre la loi et la foi. Évidemment que nous restons des hommes et des femmes avec tout ce que cela implique d'un point de vue de la biologie et de la société. Évidemment que c'est une réalité qu'on ne peut nier. Ce sont des réalités qui s'imposent à nous. Un esclave ne pouvait pas se déclarer libre, un Juif pouvait se déclarer Grec ou un Grec se déclarer juif, il n'en restait pas moins ce qu'il était aux yeux des autres.


Notre condition humaine, ce qui fait de nous des individus singuliers qui se ressemblent mais sont tous fondamentalement uniques et différents, s'impose à nous. Mais ce que dit Paul, c'est que cela n'a plus qu'une importance secondaire, que ce n'est plus ce qui nous détermine et nous qualifie le mieux. Ainsi être homme ou être femme est toujours une réalité mais cela ne peut justifier une prétention à la supériorité, à la discrimination ou à la soumission. Dans l'Église, ces réalités deviennent secondaires.


Le christianisme est la première religion qui accepte dans ses cérémonies indifféremment des hommes et des femmes, réunis dans le même lieu et ce qui nous paraît évident aujourd'hui était un blasphème au yeux des Juifs orthodoxes du temps de Jésus, voire même aux yeux de certains chrétiens qui n'étaient pas d'accord avec Paul sur ce point comme sur bien d'autres. C'est la première religion et si j'osais, je dirais la seule, qui ne soit pas misogyne dans ses principes. Que l'Église ait, au cours des siècles, été infidèle sur ce point n'enlève rien à la force du principe.


C'est aussi la première, la seule ?!, qui ne s'arrête pas aux conditions dans lesquelles nous sommes. Les catéchumènes ont continué la série : il n'y a ni Juif ni Grec, ni esclave ni libre, ni homme ni femme, ni blancs ni noirs, ni Africain ni Asiatique, ni riches ni pauvres, ni cultivés ni ignorants, ni Français ni étrangers, ni calvinistes ni luthériens ni jeunes ni vieux et bientôt plus ni catéchumènes ni membres adultes mais un seul héritage, une seule communion en Christ-Jésus. Toutes ces choses continuent d'exister et de déterminer nos vies, mais elles sont devenues relatives et secondaires.


Une seule chose doit maintenant donner un sens à nos vies et devenir notre loi, en dépassant toutes les autres, c'est la foi en Christ qui nous fait voir un frère et une sœur en toutes celles et ceux qui se reconnaissent en lui. C'est cette foi qui doit porter des fruits d'amour, de bonté, de justice et de vérité dans notre vie. C'est elle qui doit devenir notre véritable condition humaine, celle en laquelle nous sommes unis au Christ.


Roland Kauffmann

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