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Ce que nous lui devons

  • Roland Kauffmann
  • il y a 17 minutes
  • 4 min de lecture

in memoriam Bernard Reymond – 7 janvier 1933 – 29 juin 2025


Bernard Reymond ©vandieren_editions
Bernard Reymond ©vandieren_editions

Il y a des rencontres dont on ne s'aperçoit de l'importance et de la valeur que bien des années plus tard. Jeune pasteur à Mulhouse Saint-Marc, j'ai ainsi eu la chance de rencontrer à la fin des années 1990, Bernard Reymond venu présenter à Mulhouse son ouvrage sur L'architecture religieuse des protestants paru en 1996. Après la conférence, nous avons eu quelques heures d'échanges à bâton rompu sur la théologie, l'histoire, la culture et la manière dont l'art et la théologie sont liés de manière essentielle. L'art pour Bernard Reymond, toutes les formes d'art, ayant en commun avec la religion d'être constitutif de notre nature humaine : pas d'humanité sans art, de même que l'humain se constitue dans son rapport avec une transcendance. Un rapport auquel il donne, aux cours des âges, la forme d'une religion mobilisant les arts en retour.


Une théologie en pratiques plurielles


Bernard Reymond n'était pas seulement un interprète des dialogues entre religions et cultures - le pluriel est de rigueur dans toute son œuvre. Extraordinaire pédagogue, il expliquait chaque objet, chaque pratique liturgique, en les resituant dans leurs perspectives historiques et théologiques. Professeur de théologie pratique à l'Université de Lausanne, Bernard Reymond cultivait l'esprit de cohérence entre les discours théologiques et les formes liturgiques qui doivent leur donner une forme. C'est notamment l'art de la prédication qui était au centre de ses préoccupations.


Dans son ouvrage de vive voix paru en 1998, Bernard Reymond faisait de l'art oratoire le condensé des forces et des faiblesses du protestantisme contemporain. À force de simplification et d'adaptation à l'esprit d'un monde médiatique toujours plus superficiel et rapide, les prédications peuvent devenir lénifiantes et perdre tout intérêt. À quoi bon alors se lever le dimanche matin pour aller entendre des banalités en chaire ? « En chaire comme ailleurs, la notion de service implique le sens du travail bien fait. »


Une théologie enracinée


Cette exigence pour une parole qui donne vie à l'Évangile et à ceux qui le portent dans le monde venait à Bernard Reymond de ses maîtres, notamment Friedrich Schleiermacher, Ernst Troelsch, Paul Tillich, Auguste Sabatier ou encore Albert Schweitzer dont il a assuré la première édition de Les religions mondiales et le christianisme, en 1975. Mais c'est au grand théologien de la réforme helvétique du XVIe siècle, Ulrich Zwingli, que Bernard Reymond consacrera l'essentiel de ses dernières années de travail. Son édition avec commentaires des 67 thèses de Zwingli, parue en 2021 a profondément renouvelé la compréhension que l'on pouvait avoir en France du curé de Glaris auquel Bernard Reymond aura également consacré un ouvrage important, Cher Zwingli… Dialogue à une voix avec un grand réformateur. Il y expose de manière magistrale, tous les enjeux de la vie et de l’œuvre de Zwingli et ses originalités face à Martin Luther ou comparées à Jean Calvin.


Une théologie pour l'avenir


Cette manière de rendre vivants les grands penseurs du passé, en soulignant leur apport et leur contemporanéité avec notre époque est, sans conteste, l'une des grandes caractéristiques de l’œuvre de Bernard Reymond. Formé à l'Oratoire du Louvre puis pasteur dans le canton de Vaud, membre éminent de la rédaction de Évangile et liberté, Bernard Reymond aura aussi été une des grandes figures du protestantisme libéral aux côtés de ses grands amis, André Gounelle, décédé en mai 2025 et Laurent Gagnebin. À notre époque où le libéralisme théologique est souvent confondu avec le relativisme social, moral et spirituel, l'exigence éthique et intellectuelle de Bernard Reymond résonne comme un appel à toujours recommencer à penser. Penser la foi et l'Évangile avec les outils, les concepts et les cadres de notre temps dans une formulation qui soit à la fois audible, compréhensible et crédible en Église comme en sa périphérie, voilà ce que nous devons à Bernard Reymond. Sans oublier néanmoins qu'il fut aussi un artisan de paix. Alors qu'il est commun d'opposer « libéraux », « orthodoxes » et « évangéliques » dans nos Églises, Bernard Reymond, théologien libéral assumé, aura eu le souci d'entretenir un dialogue constant et surtout d'éveiller les consciences aux risques partagés.


Un « ouvrier du libre christianisme »


Le premier grand livre qui, en 1980, a marqué l'entrée de Bernard Reymond dans l’arène théologique s'intitulait Une Église à croix gammée ? Le protestantisme allemand au début du régime nazi (1932-1935) ou comment, dans une perspective eschatologique, des chrétiens pensent pouvoir légitimement servir un autre maître que le Christ et à quelles conditions, d'autres chrétiens entrent en résistance au nom de ce même Christ. Aujourd'hui que le risque d'une soumission des Églises à un pouvoir diabolique, au sens de sa démesure et de sa volonté de domination, est à nouveau réel, lire et relire Bernard Reymond est nécessaire ! Il peut encore, comme il le souhaitait « bien nous servir ». Et nous pouvons reprendre à notre compte ses propres termes lors de l'hommage qu'il rendait en 1982 au pasteur du Foyer de l'Âme, Georges Marchal : « Nous sommes reconnaissants d'avoir reçu en (Bernard Reymond) un de ces ouvriers du libre christianisme qui, par leur parole et leur pensée, contribuent à maintenir notre protestantisme en état de constante réformation. »


Roland Kauffmann, août 2025


Les œuvres de Bernard Reymond

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