Le bonheur et la grâce
- Roland Kauffmann
- il y a 10 heures
- 6 min de lecture
Guebwiller, 16 novembre 2025
Culte catéchumènes et vente

Le bonheur et la grâce
Nous poursuivons aujourd'hui notre quête du bonheur, celle que nous avons entamée avec les catéchumènes cette année où nous travaillons plus particulièrement à partir des Béatitudes. La quête du bonheur n'est-elle pas quelque chose de commun à toutes les générations, et à toutes les parties de l'humanité ? N'est-ce pas non plus la quête commune à toutes les philosophies que de chercher le chemin dans un monde tourmenté et de parvenir à comprendre le monde dans lequel nous vivons ?
Les chemins vers le bonheur sont nombreux et se présentent à nous chaque jour. Telle publicité, tel message nous promet une vie pleine et heureuse grâce au nouvel achat que nous ferons sur la plateforme ou dans le grand centre commercial. À longueur de scrolls sur les réseaux – des influenceurs, agitateurs d'idées ou vendeurs d'illusions veulent nous expliquer à quel point notre vie serait meilleure si nous faisions comme eux. Nous serions plus riches, plus malins, en meilleure condition physique et mentale en appliquant leurs recettes du bonheur préfabriqué qu'ils vivent à Dubaï ou d'autres paradis artificiels.
Dans ce concert des marchands du bonheur qui vous visent plus particulièrement, vous les catéchumènes et les plus jeunes d'entre-nous tout simplement parce que vous êtes les clients d'aujourd'hui et de demain, comment faire entendre cette petite voix de la Bible et plus particulièrement du psaume qui au lieu de nous promettre une vie d'éclat et de réussite, nous fait simplement reconnaître « L'Éternel est mon berger » ?
Ce psaume 23, qu'à l'instar des Béatitudes et du Notre Père, vous apprendrez au courant de l'année est, pour nombre d'entre-nous les anciens, un hymne de reconnaissance et de joie. Il fait partie de ces textes qui accompagnent nos vies depuis l'enfance jusqu'à la mort. C'est avec lui que nous prions au chevet des malades. C'est avec lui que s'ouvrent nos temps de peine et de joies. C'est aussi ce psaume que traditionnellement nous disons lors de la sainte cène parce qu'il nous parle, non seulement de notre condition de brebis conduites par le Bon berger mais qu'il nous parle de ce qui nous est nécessaire pour vivre.
Les choses invisibles
« Tu dresses devant moi une table… », aujourd'hui, vous, les catéchumènes êtes là pour servir à table. Tout à l'heure, lors du repas de la vente paroissiale, vous prendrez soin des convives, servirez la soupe, les plats et vous participerez ensuite à la vaisselle. Tâches essentielles qui vous apprendront que le bonheur est dans le service. Vous rejoindrez celles et ceux qui dans la cuisine préparent le repas, vous rejoindrez celles et ceux qui ont préparé et décoré les stands, préparé des gâteaux et réalisé des objets de décoration, celles et ceux qui ont préparé, décoré, dressé la table justement.
« une table en face de mes adversaires », de quels adversaires s'agit-il ? L’égoïsme, le repliement sur soi, l'indifférence, la haine ou l'injustice et tant d'autres formes de délitement du lien social, voilà quels sont les adversaires dont il est ici question. Être à table, c'est être avec, c'est se préoccuper des autres, c'est veiller à ce que chacun ait ce qui lui est nécessaire, c'est partager, échanger, bien plus qu'un repas. Ce qui se passe dans un repas comme celui que nous allons partager est en réalité invisible.
Certes il y aura vos allers et venues, il y aura des soupières fumantes et des plats à servir, des tables à débarrasser, de la vaisselle à faire et à ranger mais ce qui se passera d'essentiel sera invisible aux yeux. Entraide, solidarité, cohésion, une communion entre tous, entre égaux, entre brebis d'un même berger. Ce qui est invisible, c'est tout le travail de ceux qui ont œuvré pour que nous puissions vivre ensemble ce qui, plus qu'une vente, est aussi une fête d’automne où nous avons plaisir à nous retrouver.
Ce qui est invisible, c'est le lien qui nous unit les uns aux autres lorsque nous prononçons les mêmes mots rituels, lorsqu'il suffit d'entamer « l'Éternel est mon berger » et que des cœurs vibrent à l'unisson. Bien sûr que chacun d'entre-nous les entend et les prononce différemment parce que nous ne sommes pas tous dans « de verts pâturages », certains d'entre-nous sont plutôt dans des déserts ; bien sûr que nous ne sommes pas tous « auprès des eaux paisibles », certains sont confrontés à des tempêtes intérieures ou à des difficultés dans leur vie professionnelle ou publique.
Une voie étroite
Mais dans nos difficultés, dans nos hésitations, dans nos troubles et dans nos inquiétudes, une porte s'ouvre, celle qui nous « conduit sur les sentiers de la justice ». Quand nous ne savons pas quoi faire, quelle conduite adopter dans telle ou telle situation, devant tel ou tel problème, une voix nous porte et nous soutient, cette voix de la foi qui nous dit que le bon chemin, c'est le sentier étroit et difficile, celui qui conduit à plus de justice, de solidarité et de liberté autour de nous.
Le bonheur des chrétiens que nous sommes et voulons être n'est pas un bonheur à bon marché, facile et déjà donné. Il passe par les chemins difficiles et étroits, au point qu'ils peuvent nous faire peur, nous pousser au renoncement ou même au reniement. Le pèlerin auteur du psaume ne cache pas sa crainte de « la vallée de l'ombre de la mort ». Sur la route de Jérusalem en se rendant au temple pour adorer l'Éternel, une vallée encaissée était propice aux embûches et les brigands dépouillaient les voyageurs isolés. C'était un danger bien réel auquel chacun de ceux qui se répétaient le psaume pensait.
Une parole à la fois de consolation et courage, voilà ce qu'est notre psaume, d'encouragement ou même de félicitation comme ces mentions que vous recevez dans vos bulletins scolaires qui sont là pour vous dire si vous êtes dans la bonne voie ou si vous devez faire des efforts de corrections ou d'améliorations. Quand vous recevez des encouragements, que vous soyez au collège ou d'autres au lycée, vous vous sentez confortés, soutenus. Quand vous recevez des félicitations, vous savez que vous ne devez pas vous arrêter là mais qu'il vous faut continuer à progresser.
« L'Éternel est mon berger » c'est l'affirmation que nous ne sommes pas seuls dans la vie, que nos décisions et nos choix sont nourris et soutenus par un autre, par un plus grand que nous et dans la mesure où nous nous laissons conduire par sa main, c'est-à-dire vivons comme il nous l'enseigne, alors nous ne manquerons de rien. Nous ne manquerons jamais de justice, ni de solidarité, ni de partage, ni de liberté, ni de fraternité, ces choses essentielles à notre existence individuelle ou collective comme le sont l'humilité, la compassion, en bref toutes les vertus qui sont au cœur des Béatitudes et donc de la compréhension chrétienne du bonheur.
Un bonheur qui n'est pas dans les choses visibles, dans les richesses ou les accomplissements matériels mais entièrement dans les choses invisibles, dans ces réalités spirituelles qui sont comme une coupe qui déborde et qui transforme tout autour de nous. Lorsque Jésus s'annonce comme le Bon berger, celui qui nous accueille en son royaume, nous offre la grâce et le salut, il fait directement référence à ce psaume. Lui qui a affronté la vallée de l'ombre de la mort et a donné sa vie pour que nous l'ayons en abondance, c'est lui et lui seul qui est notre guide. Ce sont ses promesses qui doivent fonder notre espérance et nul autre que lui, aucun influenceur, aucune puissance, aucune illusion, aucun des maîtres du monde, ce que les anciens appelaient « idoles », ne doivent jamais nous imposer leur loi, leurs pouvoirs ou leurs conditions.
Dans bien des situations de la vie, vous aurez à faire des choix difficiles ou coûteuses, avec des conséquences incertaines ou des risques d'être mis à l'écart parce que vous aurez fait le choix de la justice, de la paix ou de la fraternité. Vous aurez toujours à défendre votre liberté, celle de votre conscience et de votre intelligence, la liberté de votre foi face à tous ceux qui voudront vous imposer un ordre du monde et une manière de vivre individualiste et solitaire.
Vous pourrez alors vous répéter encore et encore, comme le font ceux qui vous ont précédé sur ce chemin « Oui le bonheur et la grâce m'accompagneront tous les jours de ma vie » quelles que soient les difficultés « je reviendrai dans la maison de l'Éternel » car il sera toujours à mes côtés pour me soutenir et m'encourager à faire le bien, à vivre dans la liberté avec le courage de la foi.
Roland Kauffmann







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