Noces d'or époux Christina Magister & Patrick Roussel
- Roland Kauffmann
- 24 sept.
- 7 min de lecture
Guebwiller 21 septembre 2025

En choisissant ce texte de l'apôtre Paul pour vos noces d'or, chers Christina et Patrick, vous nous donnez l'occasion de méditer à nouveau en Église ce texte qui nous parle des fondements de notre vie chrétienne.
En effet, c'est un texte que l'on utilise souvent pour les mariages et en général les mariages sont des évènements privés même s'ils se déroulent dans une église ou un temple. Il est rare en effet que les paroissiens participent à des mariages, peut-être parce que ceux qui se marient sont rarement des paroissiens réguliers. Le mariage, il faut toujours le rappeler, est avant tout un contrat social, c'est un engagement que l'on prend d'assumer ses responsabilités envers son conjoint, notamment en ce qui concerne les biens acquis et surtout envers les enfants.
C'est la raison pour laquelle, en protestantisme, nous rappelons toujours que nos cérémonies sont des « bénédictions du mariage ». Car le mariage est, pour nous, entièrement constitué, lors de la signature des actes civils en mairie. C'est en tant que mariés que les époux entrent au temple et demandent la bénédiction de Dieu sur leur union.
C'est une rupture majeure avec d'autres conceptions religieuses où le mariage est célébré avec l'accord des autorités religieuses. C'est une question de culture. Dans la compréhension catholique du mariage, il se passe quelque chose d'extraordinaire, d'invisible à tous et de profondément symbolique : les fiancés se donnent réciproquement le sacrement du mariage et le prêtre est ainsi témoin de l'acte fondateur du couple. C'est quelque chose de très beau et dont, malheureusement, peu de gens aujourd'hui se souviennent.
Une vie pour apprendre à se connaître
Quoi qu'il en soit, le temps du mariage, qu'il soit célébré à la catholique, à la protestante ou selon toute autre forme de cérémonie est le temps des espérances, des désirs et des attentes. C'est le temps des promesses que l'on se fait au temps de la jeunesse quand tout est beau et riche de vitalité et de confiance. Ce moment où la jeune et belle aide-soignante que vous étiez, Christina, croise un jeune et beau militaire, bien sanglé dans son uniforme de hussard à Pforzheim où vous l'épousez en 1975, le 12 septembre, il y a donc 50 ans de cela.
Temps des promesses et des engagements, aujourd'hui temps de la reconnaissance et de la gratitude. Vous ne saviez pas alors, ni l'un ni l'autre quels allaient vraiment être vos chemins. Ils étaient bien sûr en grande partie balisés par la carrière du jeune sous-officier mais quand on a autant d'amour à s'offrir en partage, comme le dit la chanson, quitter son pays, sa famille, s'installer d'abord à Provins dans la campagne française, puis revenir à Pforzheim, s'installer à Donaueschingen, tout quitter à nouveau en 1998 pour s'installer à Rouen et enfin à Limoges en 2002 où Patrick, vous serez en charge du recrutement jusqu'à votre retraite en 2017 et où, Christina, vous travaillerez en hospitalisation à domicile jusqu'à votre retraite en 2019. J'insiste un peu sur Christina parce qu'il vous a fallu faire le grand effort d'apprendre le français quand je crois que Patrick, quant à lui n'a pas forcément eu besoin d'apprendre plus que des rudiments d'allemand.
Vous avez enfin quitté le limousin pour vous installer en Alsace afin d'être plus proches de vos enfants et petits-enfants mais aussi de votre papa, Christina, malheureusement décédé à Pforzheim cette année à l'âge de 95 ans. Vous êtes aujourd'hui ici entourés de Nadine et de Nathalie ainsi que des vos petits-enfants, Louise et Samuel, Océane, Joséphine et le tout-petit Maxime né en avril de cette année. Julien et ses enfants Matis et Benjamin ne sont pas là aujourd'hui mais nous pensons aussi à eux.
Comme en 1975, vous avez demandé la bénédiction de Dieu sur votre union, vous venez aujourd'hui dire votre gratitude pour ces cinquante années de vie commune.
Vous pourriez fêter l’événement en famille, avec vos amis qui sont là. Mais non, vous avez souhaité vous redire les mots de l'engagement et demander à nouveau la prière de l'Église sur votre union, sur les cinquante années à venir mais surtout vous souhaitez exprimer votre reconnaissance pour ce qui vous a été donné à vivre ensemble. Vous êtes ainsi comme ce lépreux qui revient vers Jésus pour le remercier de la guérison.
Avant toute chose, la gratitude
Vous aurez remarqué que Jésus ne blâme pas les autres, ceux qui ne sont pas revenus. Il comprend bien qu'ils sont tout à leur bonheur de la délivrance. Ils sont retournés dans leurs familles, dans leurs préoccupations, dans leurs tâches quotidiennes. Jésus, quand il demande « les dix n'ont-ils pas été purifiés ? Mais les neuf autres où sont-ils ? », il ne juge ni ne condamne. Il constate simplement et ce qu'il constate c'est la capacité de ce malade à être reconnaissant. Les autres sont sans doute joyeux et heureux, celui-là retourne sur ses pas et reconnaît que son bonheur lui vient d'un autre, lui a été donné.
En venant ici au temple pour renouveler vos vœux et votre prière, vous êtes finalement dans cette même attitude, d'une gratitude fondamentale et existentielle. C'est l'affirmation de votre foi et de votre confiance pour le présent et pour l'avenir. La reconnaissance pour vos enfants et vos petits-enfants, riches à leur tour de promesses et d'espérance. Je ne connais que Louise et Samuel mais je gage que vous êtes aussi fiers de leurs cousins.
Vous avez, Christina et Patrick, traversé bien des difficultés, eu bien des soucis et la vie n'a pas été facile. Vous avez appris la patience, vous avez appris à vous supporter l'un l'autre ; vous avez dû apprendre à vous pardonner réciproquement ; vous avez dû apprendre à vous servir l'un l'autre, à faire passer les intérêts et les désirs de l'autre avant les vôtres. Quoi de plus difficile que de penser à l'autre avant de penser à soi ? Quoi de plus difficile que de se pardonner dans un couple ? Car c'est là, au cœur de l'intimité, de la fragilité et de la sincérité que nous sommes les plus vulnérables. Car ce sont ceux que l'on aime qui ont les armes les plus terribles contre nous. C'est au sein des couples que se joue la vérité de nos existences car on ne peut y tricher indéfiniment, ça finit toujours par se voir et se savoir. C'est dans le couple que nous pouvons donner le meilleur de nous-mêmes ou alors le pire. C'est là et nulle part ailleurs que s'éprouvent la réalité de l'amour du prochain car nos conjoints, nos compagnes et compagnons, nos partenaires de vie, celles et ceux que nous avons choisi et qui nous ont choisi sont les premiers de nos prochains. Et la manière dont nous vivons dans nos couples est représentative de la manière dont nous vivons en chrétiens.
Un miroir imparfait mais un miroir quand même
Le couple est l'endroit où nous pouvons nous bonifier avec le temps au contact de l'autre parce que nous nous faisons l'un à l'autre et que chacun se transforme au contact de l'autre. Chaque jour, nous sommes différents parce que l'autre nous transforme. Et il est essentiel que ces transformations soient des améliorations et non pas des dégradations, des satisfactions plutôt que des humiliations.
Vous êtes un miroir. Christina et Patrick, par ce que vous avez vécu, et par la manière dont vous êtes arrivés à cette étape des noces d'or, vous nous montrez que c'est possible. D'autres parmi nous ce matin partagent votre expérience. Certains ont même bien plus que vous l'expérience d'une vie où l'on se fait l'un à l'autre. D'autres ont vu leur bonheur brisé par la mort de leur conjoint. D'autres encore ont vu leur bonheur brisé par la trahison et le mensonge. Dans toutes ces situations que nous vivons, vous nous tendez aujourd'hui un miroir dans lequel nous pouvons nous examiner.
Mais, je ne cesse de le rappeler, à chaque fois que l'on entend ce texte de Paul, c'est un miroir où nous nous voyons de manière confuse. À l'époque, nos miroirs, ceux où nous voyons notre reflet n'existent pas. On ne peut se voir que dans des plaques de métal dépolies, dans des récipients d'eau ou alors dans les portraits que font les artistes. On ne peut se voir réellement que dans le regard de l'autre. C'est l'autre, celui ou celle avec qui on partage le quotidien, l'intime et le social, qui peut vraiment nous dire qui nous sommes. C'est par le truchement de l'autre que nous apprenons à nous connaître tels que nous sommes.
Et, bien sûr, c'est toute la force de l'image qu'utilise Paul. Ce que nous voyons aujourd'hui, ce que nous sommes aujourd'hui, n'est jamais autre chose qu'une image confuse de ce que nous serons demain. Nous ne pouvons jamais voir et connaître que partiellement parce qu'il y a toujours une part de l'autre qui nous reste à découvrir, parce qu'il y a toujours quelque chose à améliorer, à transformer, à révéler.
L'image du miroir est d'une imagination incroyable car évidemment, nous y entendons l'amour humain dans toutes ces dimensions, qu'il s'agisse d'amour conjugal, sexuel, amical ou caritatif. Toutes les variances de l'amour sont incluses et sont soumises à ces critères de dépassement de soi, d'abnégation et de dépouillement de soi au profit de l'autre. Une situation amoureuse ou amicale ou caritative n'est juste et vrai que lorsque l'autre n'est pas un objet dont on use ou abuse, dont on profite ou que l'on exploite mais le sujet de notre propre vie, celui ou celle qui donne sens à notre existence. Et cela est vrai non seulement de l'amour charnel, conjugal ou non, peu importe mais c'est aussi vrai, dans la relation amicale ou dans l'engagement social ou dans la fraternité au sein d'une communauté.
À ce plan horizontal, couvrant l'ensemble de nos réalités humaines, s'ajoute bien sûr la dimension verticale de l'amour de Dieu qui, seul, est parfait, complet, totalement patient et désintéressé. L'image dont nous parle Paul, ce n'est pas celle de notre amour ni du votre, Christina et Patrick, c'est celui de Dieu pour nous. Un amour que nous pouvons comprendre et expérimenter mais toujours de manière partielle et imparfaite. Tout ce que nous pouvons en dire et en éprouver ne sera jamais qu'une ombre confuse par rapport à la réalité de cet amour de Dieu pour nous et pour l'humanité.
Et de même qu'il vous a fallu cinquante ans pour apprendre à vous connaître et que vous n'avez de loin pas fini, de même nous n'avons et n'aurons jamais fini de découvrir la profondeur et l'étendue, la hauteur et la largeur de l'amour de Dieu pour notre monde. Nous ne pouvons qu'en avoir une faible idée, une image confuse, dans la manière, désintéressée et patiente dont nous nous supportons les uns les autres, c'est-à-dire comment nous portons ensemble nos joies et nos peines.
Aujourd'hui, avec vous, Christina et Patrick, c'est le temps de la joie. Et l'Éternel Dieu, celui qui nous aime au-delà de ce que nous pouvons imaginer, vous a béni et continuera à vous bénir, vous et votre famille.
Roland Kauffmann







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