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Photo du rédacteurThierry Holweck

Promesse de Dieu – promesse de l'homme

Culte de confirmation – Guebwiller 19 mai 2024



Nous sommes réunis dans ce temple de Guebwiller ce matin pour vivre un moment unique ! Un moment qui ne se reproduira jamais pour aucun d'entre-nous. C'est la première et la dernière fois que nous sommes là, ensemble pour être en communion les uns avec les autres.


Je vois déjà les plus anciens parmi nous qui s'étonnent. Eux qui ont vécu ce même événement de la confirmation déjà de nombreuses fois dans leur vie et qui se souviennent de leur propre confirmation. Ils peuvent légitimement se demander en quoi cette confirmation aujourd'hui serait particulière, différente de toutes celles qu'ils ont vécues. Je vois aussi l'étonnement des plus jeunes que vous êtes et qui doivent se dire que non, bien évidemment, ce n'est pas la dernière fois que vous viendrez ici au culte, que ce soit à Guebwiller, à Thann ou ailleurs au cours de votre vie. Je vois l'incompréhension, voire l'inquiétude, qu'est-ce qui va se passer aujourd'hui qui va rendre ce culte si unique, si extraordinaire, si particulier.


Passé l'étonnement, les plus anciens parmi nous commencent sans aucun doute à se souvenir précisément de ce moment de leur jeunesse : pour certains depuis plusieurs décennies ; pour d'autres, particulièrement vos parents, plus récemment et d'autres encore qui s'en souviennent parce que l'évènement est encore tout frais dans leur mémoire. Ceux-là se souviennent de leur catéchisme et pourraient vous en raconter le détail. Certains parmi nous savent à quel point ce qu'ils ont vécu durant ces deux à trois années de leur adolescence aura été déterminant dans leur existence. Combien ce temps passé, parfois à s'échiner sur des textes bibliques qu'ils ne comprenaient pas ou à participer plus ou moins activement à des cultes et des activités paroissiales aura contribué à faire d'eux des individus libres et responsables, confiants en l'avenir et en leur propre capacité à agir en chrétiens dans ce monde souvent tourmenté et toujours incertain.

Plus près de nous, vos parents, parce que chacun à sa manière, avait lui aussi vécu ce moment, vous y ont encouragés, vous y ont conduit. Depuis votre naissance, vos parents ont cherché à vous donner le meilleur de l'existence, tels des tuteurs pour la plante que vous êtes. Et le rôle des tuteurs c'est d'accompagner toutes étapes de la croissance de la plante qu'ils supportent. C'est de leur permettre de tenir, contre vents et tempêtes jusqu'à ce que la plante ait assez de force pour tenir par elle-même. Mais vos parents sont aussi la terre dans laquelle vous grandissez et les éléments qui sont importants pour eux le sont aussi pour vous et s'intègrent à votre propre personnalité.


Ce à quoi nous assistons aujourd'hui, c'est à cette transmission.


Lorsque vos parents ont demandé le baptême pour vous ou lorsqu'ils vous ont présenté à l'Église, ils se sont engagés. Ils ont fait une promesse : celle de vous transmettre une culture, une tradition, un message, de vous inscrire dans une lignée spirituelle qui vienne enrichir votre lignée naturelle. Ils ont promis de vous donner les moyens de vous faire votre propre appropriation de la foi, de vous donner les moyens d'exercer votre liberté. Ils ont promis, ils ont tenu leur promesse, celle qu'ils avaient faite au nom de leur propre foi en ce Christ qui nous appelle à être ses serviteurs.


Lorsque l'Église vous a accueillis dans votre petite enfance, que ce soit lors de votre baptême ou de votre présentation, elle aussi a promis. Au nom de sa foi en ce Dieu libérateur de toutes les conditions sociales, historiques ou naturelles, elle s'est engagée à vous faire une place et à vous transmettre cet Esprit de sainteté qu'elle puise dans son expérience de la mort et de la vie à travers la mort et la résurrection du Christ.


Un message qui est toujours à la fois à contre-courant des modes et des époques et qui pourtant est au fondement même de notre civilisation européenne. En vous donnant les bases de sa compréhension du monde et des rapports des humains entre eux ; en vous annonçant cette réalité spirituelle d'un monde qui nous est donné, non pour que nous l'exploitions en maître mais que nous le cultivions en serviteurs ; en vous proposant une vision du monde où il est plus important de donner que de recevoir mais aussi d'un monde qui n'appartient pas aux puissances des ténèbres mais dans lequel nous avons tous à être artisans du Royaume de Dieu ; en vous proposant cette culture, l'Église n'aura pas seulement cherché à faire de vous de bons chrétiens mais aussi à vous donner les moyens d'exercer vos responsabilités d'adultes et de citoyens. L'Église a promis, elle a tenu !


Aujourd'hui, c'est votre tour ! Il n'est plus question de la foi de vos parents ni de celle de l'Église : c'est votre parole qui entre en jeu. Vous n'êtes plus des saints par délégation, par appartenance familiale ou confessionnelle : vous êtes appelés à l'être en votre nom propre, avec les mots qui sont les vôtres et les convictions qui vous appartiennent. Vous prenez ainsi votre place, non plus celle que d'autres vous accordent ou vous laissent. Vous prenez la place qui est la vôtre dans cette descendance spirituelle qui remonte à Abraham et culminant avec la vie et le message de l'homme Jésus, celui en lequel nous reconnaissons l'union de Dieu et de l'humanité.


Aujourd'hui, vous demandez la bénédiction de Dieu sur votre vie, vous demandez la confirmation de votre baptême ou bien, vous demandez votre baptême. Quelle que soit votre demande, c'est la vôtre, celle que vous avez exprimée en votre nom et qui vaut promesse et engagement de votre part. Vous devenez sujets de la foi ! C'est en cela que l'évènement d'aujourd'hui est unique et exceptionnel.


Beaucoup de ceux qui sont ici ce matin avec vous se souviennent maintenant à quel point ce jour de leur confirmation, de leur première cène, ces quelques mots prononcés, ces engagements dits devant l'Église réunie et leurs familles aura été important dans leur vie ; à la fois comme une étape et un rappel.


Les mots ont un sens et vous connaissez l'expression « tenir parole », vous savez parfaitement ce qu'elle veut dire. Vous savez pertinemment ce que signifie être fidèle à sa parole et ce que y manquer signifie. Mais « tenir parole », c'est aussi comprendre que la parole nous tient. Non pas comme une chaîne qui nous limite ou nous emprisonne mais nous tient comme le tuteur tient la plante. Une parole qui nous tient, c'est une parole sur laquelle nous pouvons nous appuyer pour grandir, nous servir de repère, de guide dans l'existence. C'est quelque chose vers quoi nous pouvons revenir, parfois l'oublier mais toujours nous en souvenir comme d'une lumière dans la nuit, comme d'un port d'où nous venons et vers lequel nous allons.


Et vous avez choisi cette parole. Vous avez chacun choisi un verset biblique et lorsque Anne et moi vous avons demandé pourquoi vous avez choisi tel verset plutôt que tel autre, chacun et chacune d'entre vous, avec ses propres mots a en fait dit la même chose. Tout à l'heure, vous prendrez la parole et vous direz votre verset et expliquerez pourquoi vous l'avez choisi. Dans la diversité de vos mots, vous direz que vous l'avez choisi parce que vous vous y êtes reconnus. Parce que vous avez compris que la Parole de Dieu, celle qui nous parle dans la Bible, n'est pas une affaire de mots, de doctrines mais qu'elle est un miroir dans lequel nous pouvons nous retrouver, nous reconnaître.


En expliquant votre choix, vous affirmez que vous êtes désormais sujets de votre foi, celle qui est maintenant la vôtre et non plus celle de vos parents, dans les termes et les engagements qui sont les vôtres. Certains ne se considèrent pas prêts à cela, c'est votre choix et vous recevrez la bénédiction de Dieu. D'autres s'engagent aujourd'hui et entrent dans ce à quoi nous sommes tous appelés : « appelés à être saints » selon les mots de l'apôtre Paul.


Mais vous l'aurez remarqué, Paul lorsqu'il s'adresse aux chrétiens de Rome, de Guebwiller, de Thann ou d'ailleurs commence toujours par cette autre promesse, celle qui vient avant toutes nos promesses et tous nos engagements : la promesse de Dieu faite à l'humanité d'établir un jour son royaume. Royaume de Dieu tout entier contenu dans l'Évangile, dans le message du Christ pour l'humanité toute entière. « Cet Évangile, Dieu l'avait promis auparavant par ses prophètes » et maintenant tout est accompli, tout est là, entre nos mains, entre nos lèvres, confié à notre liberté et notre responsabilité.


Vous êtes appelés, comme nous le sommes tous, nous tous qui vivons dans la fidélité au Christ, ce que Paul appelle « l'obéissance de la foi ». Une obéissance qui n'est pas servilité ni soumission ni aveuglement mais qui est portée par cet Esprit, celui-là même qui éclaire pour nous la Parole de Dieu. Celui sans lequel, l'Évangile resterait une lettre morte. Vous êtes appelés, comme nous l'avons été, au jour de notre baptême ou de notre confirmation à « être saints » !


Car oui, c'est cela l'extraordinaire de la parole de Dieu. Ce qui vous est proposé, ce qui vous est promis, ce n'est pas d'être des suiveurs, des perdants qui ne vivraient que par la procuration des likes et autres reels mais d'être des saints, c'est-à-dire des hommes et des femmes qui portent à leur tour la promesse de Dieu pour l'humanité. « Auparavant » c'était par les prophètes, aujourd'hui c'est par vous que Dieu agira dans le monde.


Aujourd'hui, vous devenez ce que Albert Schweitzer appelait des « ouvriers du Royaume de Dieu, accomplissant jours après jours sa volonté et travaillant à établir son règne ». Vous êtes désormais des hommes et des femmes de parole : portés par la parole de Dieu qui vous précède, qui précède tous vos engagements et à votre tour vous êtes porteurs de cette parole


Cette liberté que vous recevez aujourd'hui, de vivre de cette parole, vous la recevez évidemment une fois pour toutes. C'est un fait. C'est une affirmation unique comme l'est toute naissance mais c'est tout au long de votre vie d'adulte que vous l'exercerez. Que vous aurez toujours à y revenir et à vous en souvenir. Et ce qui vous y aidera, c'est ce repas que nous allons partager tout à l'heure et auquel vous êtes invités pour la première fois.


Il dépend de vous que le pain et le vin que nous partagerons tout à l'heure deviennent communion au corps et au sang du Christ. En effet, le pain est toujours du pain, le vin est parfois même du jus de raisin. C'est vous et vous seuls, dans le secret de votre conscience, dans l'intimité de votre foi, celle qui vous appartient comme un trésor unique et particulier qui ferez que le pain sera autre chose que du pain. Ce repas que nous allons partager est un symbole, un pur symbole. C'est-à-dire quelque chose qui n'a pas de signification par lui-même mais uniquement par la manière dont nous le comprenons.


La cène comme le baptême, est un symbole. Et un symbole, c'est ce qui a une signification particulière pour un groupe particulier et n'en pas pour les autres. C'est quelque chose que seuls les membres du groupe peuvent comprendre parce que cela renvoie à une expérience partagée. Ainsi, toutes proportions gardées, si je vous dit « Proust », je déclenche chez vous une réaction, un souvenir que ne peuvent pas comprendre ceux qui n'ont pas participé à ce moment mémorable. C'est la même chose avec les sacrements que sont la cène et le baptême : c'est une intelligence commune, c'est une compréhension partagée que ne peuvent saisir réellement les autres.


Celui qui voit dans le pain et dans le vin, autre chose que du blé et du raisin ; Celui qui voit dans le pain et dans le vin l'amour de Dieu et l'amour du prochain comme une seule et même chose ; Celui qui voit dans le pain et dans le vin à la fois la promesse de Dieu et la nôtre ; Celui qui voit dans le pain et dans le vin la vie et la résurrection du Christ ; qui y voit l'Évangile du Royaume et la première pierre de ce Royaume, toujours à construire, ici, aujourd'hui et demain, celui-là a compris. De même que la parole de Dieu n'est rien tant qu'elle ne prend pas forme dans notre vie, qu'elle ne transforme pas notre existence en lui donnant sa véritable dimension d'être spirituel, vous qui « êtes des bien-aimés de Dieu », vous êtes désormais « appelés à être des saints », porteurs de l'amour de Dieu au monde et à votre tour, témoins de sa grâce et de sa volonté.

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